L’autre soir dans les rues de notre ville, mon regard fut attiré par l’étrange évolution d’un jeune homme d’une vingtaine d’années qui titubait, se raccrochait à un mur, manquait de tomber en arrière, puis parcourait quelques mètres à grandes enjambées zigzagantes, pour se retrouver sur la rue en grand danger… Il était ivre.
Comment peut-on se mettre dans un tel état…
Il existe ainsi dans notre vie bien des circonstances dans lesquelles il faut savoir dire non !
Savoir dire non, oser dire non!
Pas un non arrogant, mais ferme, expression d’une réflexion, d’une détermination intérieure sans faille. Cela est vrai dans le domaine de l’alcool où tant ont été et sont entraînés à boire par la crainte de déplaire aux autres, de passer pour un « minable », un faible, alors qu’en fait, le faible est celui qui se laisse entraîner, qui ne sait pas dire non quand il le faudrait! Combien sont devenus des drogués de l’alcool, du tabac, de « drogues dures », de la pornographie ou de choses semblables parce qu’ils n’ont pas eu le courage de dire non.
Non à soi-même d’abord.
Les désirs du corps ne doivent pas dominer notre vie; nous devons être libres de choisir ce qui est le meilleur, et de refuser, de rejeter ce qui est nocif ou le deviendra.
Saint Paul écrivait: « Je ne serai esclave de rien ».
Cela sous-entend une force intérieure, une lucidité, une maîtrise de soi, un refus de se laisser conditionner, qui s’acquièrent.
En tout premier lieu, lors de l’éducation des enfants, père et mère se doivent de donner l’exemple, et la vraie éducation est celle qui éveille progressivement l’enfant aux réalités de l’existence, l’informe en tenant compte de ses possibilités et de son âge, lui apprend à devenir un être libre, capable de diriger son corps, sa vie, et non pas un être faible, qui ne saura pas se dire non quand il le faudra, ni dire non à ceux qui le tenteront.
Les caprices continuellement satisfaits apprennent la facilité et le refus de l’effort, de la nécessité de choix clairs.
Les faiblesses acceptées au nom « d’expériences » diverses « qu’il faut faire »(!) marquent, hypothèquent et préparent des lendemains amers d’échecs et d’errements. Laisse-t-on un petit enfant s’amuser avec des allumettes? un adolescent jouer avec l’alcool, la drogue, les « boîtes de nuit »?
Savoir dire non.
Combien de vies seraient extrêmement différentes si un non décidé avait été prononcé…
Combien de couples seraient encore unis…
Il est vrai que les pressions de l’environnement sont de plus en plus pesantes, et que demeurer un être libre devient de plus en plus difficile.
La télévision asservit, façonne, séduit plus que tout autre moyen… Elle fait la « culture », elle établit les normes de la « civilisation »… Et ce qu’elle distille ou impose est parfois redoutable.
Dans la Tour de Constance, de la terrible prison d’Aigues-Mortes, Marie Durand, entourée de quelques prisonnières huguenotes –en prison pour leur foi– avait gravé dans la froide pierre « résister« .
Il faut savoir dire non!
Lorsqu’une proposition, une voie, une habitude, une idée nouvelle… sont préjudiciables ou le seront pour nous-mêmes ou pour nos enfants… quels qu’en soient les sources, les auteurs, ou le cadre dans lequel la chose est présentée, il faut savoir dire non! Certes, après avoir dialogué, écouté avec attention les arguments des uns et des autres, en s’expliquant et en étant plein de paix.
Mais lorsque nous avons reconnu quelle doit être notre conduite, notre détermination doit être inébranlable. Refusons d’être un mouton de Panurge.
Il est tragique que dans l’Allemagne nazie, il n’y ait pas eu plus d’hommes et de femmes qui aient eu le courage de dire non.
Dans tous les domaines, il nous faut être lucides, attentifs, forts, afin de savoir dire oui ou non, en fonction de ce qui est juste et bien, quand bien même serions-nous seuls.
Ainsi, nous mènerons avec dignité notre vie d’homme, et pourrons être utiles à bien d’autres.
Saint Paul, dont je citais un écrit, donnait aussi le secret de sa force: « Je puis tout, écrivait-il, par le Christ qui me fortifie ».
La Bible lui a donné la lumière qui a éclairé ses choix et sa route,
et le Christ lui a donné la force quotidienne de suivre le chemin tracé. Il peut en être de même pour chacun de nous.
Pasteur Yvon Charles